P a n d h o r e ▬ And the Sins are free, hope is less ;; E C -

Ma description physique, j'ai l'impression que ça fait un peu hautain de la faire moi-même... mais enfin bon, s'il faut que je m'y colle, je vais m'y coller pour le plus grand plaisir de tous. Alors attention les yeux, me voilà décrite par moi ! Lorsque je suis née, j'avais sans doute la tête de tout enfant normal, vous savez cet air innocent peint sur le visage, ces petits yeux encore clos car trop sensibles à la lumière, ces mains recroquevillées ainsi que tout juste quelques cheveux au sommet de mon crâne, même pas assez pour dire si je serai blonde, brune ou rousse. Aujourd'hui, cent cinquante longues années après, je suis devenue une jeune femme, une fille qui a tout d'une humaine et de ce qui pourrait ressembler à une jeune adulte. En apparences et si on compte bien, j'ai vingt ans, pas une année de plus, pas une année de moins. Dans le genre grande et mince, je rentre dans la bonne catégorie, je me trouve même parfois moi-même trop maigre, mais bon... ne croyez pas, c'est une dure étape psychologique de se dire "ma fille, il faut que tu prennes du poids !" alors je me contente de ce que je suis... parce que si je n'étais pas un démon, aujourd'hui je serais un tas d'os séchés avec encore quelques vers qui auraient élu domicile dans ce qui était mon corps... alors heureusement, je me contente très bien de ce à quoi je ressemble aujourd'hui. Mes cheveux sont aujourd'hui bruns, cillant parfois jusqu'au blond en plein soleil, mais rien ne me dérange dans mes cheveux, je vis avec, je ne vais pas non plus me mettre à les bichonner pendant dix plombes, ils ont un minimum d'instinct de survie pour me montrer qu'ils vont pas bien... les genre de moments où ils restent rebelles à tout coup de brosse ou de peigne ou de main tout simplement. Mes yeux, ils sont bruns, comme ils l'ont toujours été aussi loin que je me souvienne de ma vie... oui, on garde difficilement des souvenirs pendant cent cinquante ans. Dans le genre vestimentaire d'aujourd'hui, j'essaye de me fondre au possible, je porte de jeans comme toutes les femmes au moins une fois dans leur vie, c'est le genre de vêtement qui peut être à la fois classe et pour la détente. Si je ne me néglige pas, je connais aussi bien trop l'importance de la vie pour passer des heures et des heures à essayer de ressembler à quelque chose d'artificiel et de totalement faux... alors je me contente la plupart du temps d'être moi, tout simplement... c'est tellement plus facile de vivre en se reconnaissant dans le miroir... et puis, j'ai toujours des petits signes dans ma vie qui me rappellent que quoique je fasse, je suis celle que j'ai toujours été... avec mes bons côtés, et mes mauvais.

Décrire mon caractère n'est certainement pas la chose la plus facile qu'on m'ait demandé de faire dans toute mon existence. Humaine, j'étais le genre de filles discrètes, les filles qui à mon époque, se fondaient dans la société bourgeoise qu'était la mienne. Effacée, le regard vague et fuyant, les yeux baissés et la bouche souvent close, j'étais ce qu'on pouvait appeler une vraie none. Lorsque j'ai été abandonnée au "pardon de dieu", j'étais alors une sainte enrôlée, vous savez, le genre de personnes qui, à force qu'on lui dise "prie dieu et il te répondra", croyait naïvement à tout ce qui pouvait faire son bonheur ou tout ce qui pouvait être un signe de dieu. L'Enfer, on peut sans doute le dire, m'a ouvert les yeux... C'est sans doute en y perdant mon âme pour souffrir et me vider de tout souvenir que j'ai vraiment réussi à comprendre le réel sens de ce monde, sa face réelle et les illusions déçues qu'il offre joyeusement à l'humanité. Alors aujourd'hui, sur terre et parmi l'humanité, je peux paraître être une personne qui n'a ô grand jamais eu foi en autre chose que ce qui est prouvé. Dans les mois qui s'étalent entre ma sortie des Enfers et aujourd'hui, j'ai eu le temps d'apprendre le monde vu par les sciences : un monde loin de toute idée pathétique sur dieu ou les religions... un monde logique, tactique et facilement destructible, le monde, tel qu'il est réellement. L'Humanité, l'Enfer encore, m'a ouvert les yeux sur ce qu'elle était réellement, et je n'ai plus foi en l'humain non plus... qui n'est finalement pas tant que ça une grande réussite de la Création de cet univers. Alors oui, je porte cette haine ou ce rejet de l'humanité aux personnes que je croise dans la rue, aux personnes que je côtoie... et je passe parfois pour une fille avec un sale caractère, un répondant bien tranchant et une franchise douloureuse... Bien entendu, j'ai aussi le côté "façade" qui m'aide à me fondre dans la masse, vous savez, celui que j'utilise avec les gens que je vois tous les jours et qui pensent que je suis une gamine sans problème qui ne se pose pas trop de questions. Oui, je joue très bien les filles avec un sourire faux et agréables au possible... j'arrive parfaitement bien à avoir un sourire en coin à tout ce que quelqu'un peut croire drôle ou tout simplement plein de bon sens. Pourtant, ô bien sûr, la plupart du temps... mon côté démon reprend le dessus et je suis à nouveau la fille qui n'a vraiment pas peur de dire ce qu'elle pense et encore moins face à une personne qu'elle ne porte pas dans son cœur. Mes années de vie m'ont poussé à regarder plus loin que le bout de mon nez et je ne suis en rien une fille naïve comme peuvent l'être les filles de vingt ans de nos jours... ces petites voix dans ma tête ont déjà eu l'occasion de m'en faire découvrir beaucoup, des horizons de l'horreur... alors je ne suis plus à ça près... le sang et les morts, ça ne me fait rien... de toute manière, avec l'âme abîmée par l'Enfer que j'ai, il n'y a plus grand chose qui me fasse d'effet... suis-je même tout simplement capable d'aimer ? Ça, je n'en sais même rien. La seule personne pourtant qui fasse parfois ressortir un côté humain en moi, c'est Isaac, il est toujours avec moi aujourd'hui, comme s'il avait décidé de me prendre sous son aile... il sait qui je suis et pourtant, il n'a pas peur de moi... il est humain et pourtant, il ne croit pas en toutes les belles paroles prêchées par les hommes... il est presque comme moi, sans avoir eu besoin de passer la case Enfer... Et surtout, lui, il sait d'avance que le moment venu où je devrais honorer ma part de contrat avec celui qui m'a sortie des Enfers... je le ferai, sans - pour le moment encore - une once d'hésitation... une forme d'instinct de survie qui règne toujours dans la personnalité simple et pouvant paraître barbare d'un démon...

Mon histoire a débuté il y a bien longtemps, pas si loin que ça de la Manche et du grand Londres. C'était une époque lointaine de ce que le monde peut connaître aujourd'hui et en ces temps, on pouvait presque considérer que l'homme venait tout juste d'accéder à une forme d'intelligence utile à sa survie... oui, la progression de l'humanité a été longue et périlleuse et comme on peut le voir, elle est déjà en pleine décadence.

Il y a bien longtemps, c'est dans ce Royaume en pleine gloire qu'était l'Angleterre que je suis née. C'était un jour de juin certainement comme tous les autres, le soleil avait sans doute ardemment brillé pour montrer tout son éclat encore pur au monde. Mes parents, je ne me souviens plus vraiment de leur nom... c'est dire si les années altèrent la mémoire et même si des choses qu'on pense pouvoir retenir pour toujours sont en réalité... si faciles à oublier. Mon nom a toujours été celui de Pahndore Roxane Burckel et je n'ai jamais réussi ni même à le renier ou à l'oublier, malgré les années qui sont passées, malgré les événements qui ont bouleversé ou tout simplement changé ma vie. Petite fille, j'étais sans doute tout ce qu'il y avait de plus normal, enfin, jusqu'à ce que ma mère commence à percevoir autrement ce que je disais être les voix dans ma tête qui me parlaient la nuit et me hantaient la journée. Ces voix, je n'ai jamais osé les décrire explicitement, je n'ai jamais osé parler d'elles, de peur qu'elles ne m'entendent... tout ce que je voulais, c'est qu'elles s'en aillent, me laissant avoir mon esprit tout à moi. A l'âge de dix ans, alors que ces mêmes voix avaient élu à présent domicile dans mon esprit pour parler et me raconter les pires horreurs possibles et imaginables, ma mère m'a placée dans un couvent, dans lequel je devais alors prier pour expier mes péchés et faire sortir le malin de moi. Des phrases qu'enfant, je n'avais pas comprises, mais des phrases qui m'avaient donné foi en quelque chose, en Dieu, quelqu'un qui pourrait me débarrasser de mon fardeau qui m'éloignait tant de tout ce qui avait pu faire une part de bonheur dans ma pâle existence. Cependant, étrangement, ce n'est pas la main tendue de Dieu, ni le secours de la lumière divine ou d'un Ange que je reçus pour mes prières... mais celle d'une silhouette à peine difforme, d'une créature d'une divine beauté qui aurait pu avoir tous les traits d'un Ange, si seulement... Elle était pourtant la seule apparemment, cette créature sortie des entrailles les plus douloureuses et rouges de la terre, à avoir entendu mes paroles, mes pleurs et mes prières... et la seule à bien daigner y répondre pour m'expier de tout ce que j'avais fait de mal. Cette chose à la fois terrifiante et attractive me promit la paix de l'esprit durant toute ma vie humaine - enfin ce qu'il me resterait à vivre - en échange de mon âme qui sera alors, une fois ma mort arrivée, promise à l'Enfer éternel et à la damnation d'une sans âme. M'offrant une ouverture sur le monde pur de l'humain qui ne pèche pas, la démone face à moi ou peu importe ce qu'elle avait été, avait alors eu mon âme sans une réelle réserve et sans lutte de ma part... l'idée que les voix se taisent à mon esprit, qu'elles ne puissent plus y entrer pour me parler, l'idée tout simplement de n'être plus vue comme une sorcière ou un démon habité par le malin, effaçant toutes les limites qui pouvaient effrayer un humain de l'idée même de l'Enfer. Le jour de la mort ne s'était pas fait attendre... deux, trois, quatre jours après ce fameux pacte... mais c'était ainsi qu'avait été réglée la roue de ma vie, et c'est ainsi que je devais mourir... cette fameuse divine créature était juste venue, juste à temps pour récupérer mon âme tourmentée.

L'Enfer, on peut bien en parler dans les livres les plus sacrés ou dans les religion les plus célèbres, mais toute vision de cette terre sur ce qui peut arriver en-dessous, parmi les morts, est bien lointaine de la tranchante vérité sur ce qui se cache derrière ce qui semble être le Diable lui-même et l'idée même de démon. Parmi les morts et les démons, j'ai perdu mon âme, j'ai perdu la raison et presque toute la mémoire de ce qui avait été mon existence humaine, ma triste vie qui n'avait même pas duré plus de vingt ans. Sous terre, le temps semble s'arrêter, comme si, une fois privée d'âme, l'être humain n'avance plus, ne vieillit plus, ne rajeunit pas... mais se détruit intérieurement lui-même, par des douleurs innommables qu'il s'invente parfois lui-même. S'il était possible de rester ne serait-ce qu'un soupçon net d'esprit une fois sorti du grand brasier, l'idée se serait... c'est sans doute pour cela que toute âme sortant de cette endroit n'a plus rien de commun à une âme humaine. Personne n'a sans doute pris le temps de compter les années terrestres que j'ai passé sous terre et moi non plus, je vous l'avoue, je n'y ai pas fait attention... des décennies, presque ce qui semble être plus d'un siècle. Je suis sortie du grand brasier comme par une opération bien trop tardive du saint esprit, par un nouveau pacte... conclut cette fois-ci avec le malin lui-même... Ce pacte, je n'en garde aucun souvenir, mais je sais parfaitement bien que le moment venu où je devrai servir les intérêts de celui qui m'a ramené sur Terre, je le saurai, d'une manière ou d'une autre. En récupérant mon âme, comme si la malédiction était liée à mon existence toute entière et que ces voix étaient attachées à mon être tout entier, j'ai par là même récupéré ces voix qui ne cessent jamais, qui parlent, parlent sans cesse dans mon esprit, comme si je n'étais pas là. De retour parmi les vivants avec mon âme et ma malédiction, j'essayais de me fondre dans la masse, chose qui n'était pas bien évidente dans la situation actuelle. Je suis revenue en plein siècle d'or des États-Unis... en plein dans le grand New-York, cette ville à la fois magique et effrayante. Pourtant, cette fois-ci, Dieu enfin, ce qui semble exister de Dieu, était prêt à éclairer ma voie... à me faire avancer vers ce qui pourrait être mon pardon, ma réelle expiation.

Il y avait sans aucun doute de quoi être déstabilisée dans un monde pareil, dominé par les machines et la technologie... et pourtant, moi, j'ai eu la chance de faire une rencontre, une rencontre pure, sincère et pleine d'une bonté invisible et difficilement cachée... une rencontre qui, je l'avoue, a changé ma vision du tout au tout. Son nom ? Isaac, c'est tout ce que j'ai voulu retenir de son identité... ce qu'il a été, ce qu'il est, je n'en ai que faire, il m'a tendu une main, sachant étrangement ce que j'étais et d'où je pouvais venir... mais ne cherchant pas lui non plus à savoir ce que j'allais faire parmi les humains. Dans le grand New York, j'ai mis bien des mois à me faire à la forme de barbarie humaine, cette nouvelle forme de guerre, cette course continuelle contre la montre et contre le temps qui file à toute allure. Avec Isaac, j'ai réussi à parler des mes voix, il ne me craignait pas, lui et je n'avais pas peur de ses pensées ou de ce qu'il pouvait me dire... parce que je savais simplement qu'aucune de ses paroles ne pouvait être dénuée de bon sens. Ces voix dans ma tête, ce sont simplement les voix des démons perdus, ceux qui ont perdu toute leur âme en Enfer, ceux qui n'ont rien gagné à venir sur terre, ceux qui ne sont venus que pour répandre le chaos... ceux qui tuent sans état d'âme, la forme unique du mot "démon" selon les croyances des êtres humains. Ces voix, je me suis parfois occupée de les suivre et d'essayer de leur répondre... puis petit à petit j'ai vécu avec elles, j'ai appris à les faire taire et à les chercher pour parfois les aider ou remédier tout simplement à ce qu'ils faisaient... les empêcher de commettre impunément ce qui ne doit être fait par une simple force indépendante. Mon chemin tout tracé par les voix (vous devez sans doute prendre ce début de phrase comme tout droit sorti de la bouche d'une folle) m'a conduit récemment à Caldwell, petite ville des États-Unis, assez paumée mais qui attire apparemment, beaucoup de ceux qui semble s'être perdus entre l'Enfer et la surface. En ville depuis quelques semaines à peine, je me contente pour le moment de me fondre dans la foule pour être le plus discrète possible, restant à l'écoute de ces voix... des voix qui changent, des voix dénuées de toute forme, toute trace d'une humanité ancienne ou récente, des voix juste emplies par de la barbarie et un besoin de mort. Me contentant de me fondre parmi les humains pour être le modèle même d'une fille sans problème débarquée ici pour faire un stage, je reste invisible, insipide comme le plus habituel humain que vous pourriez croiser dans la rue... et pourtant... Mais vous restez encore avec les yeux clos sur ce qui pourrait vous sortir de votre routine, de votre rationnel... alors vous me voyez comme je veux que vous me voyez... ce qui me convient encore, pour le moment.

La situation actuelle ? Vous ne vous doutez même pas encore du fait que c'est justement elle qui m'a amenée ici ? Les voix dans ma tête m'ont tout dit de ce qu'elles avaient fait pour tuer le maire et sa femme... et je sais parfaitement ce qui les a tués, je n'ai donc aucune question à me poser... et pour le moment je me tiens à l'écart, me contentant d'attendre. Les flics sont trop encore sur l'affaire pour que je puisse réellement agir, alors je fais preuve de patience, les voix ne se taisent pourtant pas et elles disent qu'elles ont bien l'intention de recommencer... encore et encore... elles disent que pour Caldwell, ce n'est qu'un début, que bien d'autres victimes suivront, et qu'elles souffriront encore plus. Mais franchement, vous me voyez me pointer chez les flics et leur dire "j'entends des voix, elles me disent qu'elles frapperont à nouveau, qu'après le maire... ce n'est pas fini"... non, moi non plus, alors pour le moment je suis une stagiaire modèle... qui récolte des infos pour sa stupide patronne qui cherche à faire la lumière publicitaire sur ses meurtres... c'est aussi, ce petit job dans le journal de la ville, un moyen de me tenir au courant - du point de vue des humains - de l'avancée de l'enquête...